L'Assemblée de Posieux

Le 24 mai 1852 a eu lieu dans le village de Posieux une assemblée populaire qui réunit environ 15'000 personnes, un nombre impressionnant pour l'époque. Dirigée par un comité de treize membres, cette assemblée a adopté une série de revendications remettant en cause la légitimité démocratique du pouvoir radical installé à Fribourg dans les soubresauts des révolutions européennes de 1848. Défendu par une avalanche de pétitions et de brochures, l'événement a eu des échos au niveau cantonal, fédéral et international. Par le biais des urnes, les chefs du mouvement se sont progressivement installés à tous les postes politiques clefs jusqu'au triomphe électoral de 1856 qui marque le début d'un siècle de domination conservatrice sur le canton. Présente dès la convocation à l'assemblée, l'idée de récupération mémorielle de l'événement devient rapidement un sujet de discorde entre les héritiers putatifs du mouvement. D'abord porté à bout de bras par les deux composantes de la coalition libérale-conservatrice au pouvoir, le souvenir de la manifestation est peu à peu accaparé par son aile dure, qui occupe définitivement le terrain en 1884 en décidant l'édification sur les lieux mêmes de l'assemblée d'une chapelle commémorative. Il faudra attendre encore quarante ans pour que la République chrétienne de Georges Python puisse enfin montrer au monde l'hommage qu'elle se rend à elle-même, au travers des fresques qui ornent les murs de l'édifice et dont l'iconographie symbolise l'union sacrée de l’Église et du régime conservateur. A partir d'archives officielles et d'un matériau jamais exploité jusqu'alors, à savoir plus de deux cent cinquante listes manuscrites contenant le décompte souvent nominatif des présents et des adhérents à la journée du 24 mai, Valérie Clerc brosse un tableau haut en couleurs de la genèse, du déroulement et des rebondissement immédiats de ce phénomène contestataire. Elle montre également comment et pourquoi, pendant près d'un siècle, l'Assemblée de Posieux a été détournée du sens qu'ont voulu lui donner ses initiateurs et récupérée par le régime catholique conservateur comme un formidable outil de propagande pour diaboliser ses adversaires et justifier sa mainmise sur le canton.