Protester pour exister!

Le 17 novembre 1961, 40 000 paysans venus de toute la Suisse se rassemblent devant le palais fédéral. Par son ampleur, l’événement marque une rupture. Jusque-là, le recours à la manifestation n’était le fait que d’une frange minoritaire, dissidente et principalement romande des paysans. Après une première tentative à l’échelle nationale en 1954, la manifestation comme moyen de défense professionnelle passe un cap en 1961. Cette année-là, face à l’industrialisation de l’agriculture suisse et la perte consécutive de repères structurels et identitaires, une grande partie des paysans prennent soudainement conscience du fait qu’ils n’ont plus d’avenir dans leur profession. Ce sombre constat les conduit à se mobiliser en masse, et à adopter une attitude protestataire inédite. Après avoir atteint son apogée en 1973, la protestation paysanne subit une forme de banalisation. Elle doit se réorienter au travers d’actions de proximité afin de garder un impact sur l’opinion publique. Au croisement de l’histoire rurale, de l’histoire sociale et économique, cet ouvrage se concentre sur les différents facteurs de mécontentement qui entraînent l’unité ou non du monde agricole. Il retrace l’évolution des aspirations d’associations paysannes et des motifs qui les poussent à manifester, il montre en quoi ces revendications se modulent, s’affinent, se contredisent au cours des Trente Glorieuses. Il révèle en outre le malaise existentiel à l’œuvre dans l’agriculture, qui modifie l’éthos du paysan et son rapport à un acte protestataire. Finalement, il analyse l’évolution de l’image du paysan véhiculée dans l’espace public, image qui n’est plus seulement celle du patriote des campagnes, mais aussi celle du manifestant revendicateur, parfois violent, dans les rues de la capitale fédérale. L'auteur : Titulaire d’un Master of Arts bilingue en Histoire contemporaine à l’Université de Fribourg, Guillaume Savoy (1989) a passé une année de ses études à Bamberg dans le cadre d’un échange Erasmus. Il a par ailleurs publié « Fernand Gigon et la Chine : le discours d’un reporter en quête de la réalité chinoise » (2015) ainsi qu’Une jeunesse engagée — Un siècle de scoutisme fribourgeois (2016). Après l’achèvement de sa seconde formation couronnée en 2017 par l’obtention d’un CFC d’agriculteur biologique à l’Institut agricole de Grangeneuve, il a repris avec ses deux frères l’exploitation familiale, le Domaine de Crévy à Attalens.